L’Imagerie de Pont-à-Mousson

La Lorraine a connu depuis le XVII° siècle jusqu’au XX° siècle une production importante d’images populaires. La période de gloire se situe notamment dans la seconde moitié du XIX° siècle avec des centres d’impression et de diffusion comme Epinal, Wissembourg, Metz, Nancy et Pont-à-Mousson.

Les noms de Wentzel à Wissembourg, Péllerin à Epinal, Gangel et Didion à Metz, Desfeuilles à Nancy sont restés célèbres.

A Pont-à-Mousson, la tradition est ancienne, liée à la présence, pendant deux siècles, de l’Université qui avait attiré, dès sa création à la fin du XVI° siècle, des imprimeurs de renom tels que Marchant, Cramoisy et Hanzelet.

L’apparition de l’imagerie mussipontaine se situe en 1848, comme l’attestent des en-têtes de factures. Elle utilisera uniquement la lithographie, procédé nouveau à l’époque, et constituera une rivale redoutable pour l’époque.

C’est le messin Elie Haguenthal (Metz 1823 – Pont-à-Mousson 1881) qui devait installer son premier atelier au 31 de la rue Saint-Laurent. Il s’associe à Victor Fagonde (Metz 1819 – Pont-à-Mousson 1895) un artiste de talent qui avait suivi, comme lui, les cours de l’Ecole de Dessin de Metz et avait travaillé chez Gangel. L’affaire prenant de l’extension, Haguenthal installera un nouvel atelier 60, place Duroc et c’est en 1898 qu’elle résidera route d’Atton, dans les bâtiments d’une manufacture de peluche occupés aujourd’hui par les services techniques de la Ville de Pont-à-Mousson.

Avec le successeur d’Haguenthal, Marcel Vagné, autre messin qui dirigea l’entreprise de 1881 à 1891, l’imagerie employa jusqu’à 160 ouvriers.

Haguenthal s’était attaché le concours de collaborateurs de talent comme Moraine, Scherer, G. Randan. Outre Fagonde dont les dessins et les coloris sont particulièrement soignés, on trouve chez Vagné, Brovillé, Kierren, Coupey, Brion, Melle Guss. A côté d’albums de qualité réservés à un public de marque, les images étaient diffusées dans les villes et les villages, sur les marchés et les foires, par des colporteurs.

L’imagerie de Pont-à-Mousson reste souvent méconnue de nos jours. Elle n’en est pas moins riche dans sa diversité. Ses productions traitées avec soin sont parfois rehaussées d’or et de vernis.

Les albums panoramiques illustrent les fastes du Second Empire. Avec la revue impériale, on assiste au défilé des troupes de la garde et de la garnison de Paris devant l’Empereur Napoléon III sur la place du Carrousel. La chasse impériale avec cavaliers, meutes et piqueurs, péripéties de la chasse, se déroule dans la forêt de Fontainebleau. Après les batailles de Magenta et de Solferino, à l’issue de la guerre d’Italie, c’est le retour triomphal et le grand défilé des troupes à Paris place Vendôme en 1859.

Par la suite, les images de la guerre de 1870 retracent non seulement les hauts faits d’armes, comme la charge des chasseurs d’Afrique du général Margueritte sur la place Duroc le 12 août 1870, mais elle montre également les réquisitions allemandes dans les fermes lorraines. Elles traduisent désormais l’hostilité au régime impérial déchu et l’émoi de la province devant l’exécution par les communards de l’archevêque de Paris, Monseigneur d’Arboy, et des généraux versaillais Clément-Thomas et Lecomte.

La série éditée par Haguenthal sur la guerre russo-turque (1877-1878) qui aboutit à libérer l’Europe balkanique de la domination de Constantinople joint au souci de l’exotisme une qualité technique remarquable.

Les séries de soldats, les rangées de zouaves et de cuirassiers d’Haguenthal sont reprises par Marcel puis Louis Vagné, avec celles des armées françaises coloniales et étrangères.

L’actualité de l’époque, ce sont aussi les expéditions coloniales de la France au Dahomey, la prise de Tananarive, la guerre du Tonkin avec le bombardement de Fou-Tcheou.

On note une pointe d’anglophobie dans l’épisode consacré à la guerre du Transvaal, tandis qu’au contraire sa Majesté le Tsar Alexandre III est qualifié de fidèle allié de la France.

Un événement à sensation , l’assassinat d’un personnage important comme celui du Président Sadi Carnot à Lyon en 1894, ou le déclenchement d’un cataclysme naturel comme l’inondation de Toulouse en juin 1875 assuraient une diffusion considérable.

Dans les différents recueils :

· Album du paysagiste (1848)

· Pérégrination dans les Vosges

· Les étapes d’un artiste (1856)

· Vues des stations de chemin de fer de l’Est, section de Nancy à Metz

Victor Fagonde nous offre la vision d’une nature calme et paisible. Il s’attache à fixer les derniers aspects d’un monde qu’une industrialisation effrénée va bientôt bouleverser. Ses paysages font l’admiration par la finesse avec laquelle ils sont traités.

L’imagerie enfantine est particulièrement riche. De très belles planches parfois rehaussées d’or et de vernis content les légendes populaires :

· Geneviève de Brabant

· La fée du lac

· L’oiseau bleu

D’autres offrent des récits moralisateurs dans l’esprit des bons enfants de la Comtesse de Ségur :

· La vertu récompensée

· Le vice puni

· Edmond le désobéissant

Des albums de coloriage, Passe-temps de l’enfance, sont accompagnés de modèles en regard d’une grande finesse. Les albums de découpages suivent l’actualité, jonque chinoise, la tour Eiffel au Champs de Mars- Exposition de 1889. Le théâtre est accompagné de décors variés, intérieur de prison, place de l’Opéra, fortin en Afrique du Nord.

L’instruction, surtout dans le domaine de l’histoire, n’est pas négligée avec la galerie des rois et reines de France, ainsi que l’histoire de France depuis les temps les plus reculés qui se complait à retracer la cruauté de l’époque mérovingienne avec Frédégonde et Brunehaut.

A l’heure du délassement les enfants sages pourront parcourir avec soin les albums illustrés par Léonce Scherer :

· La fée des buissons (1868)

· La fée des poupées (1868)

· Les étrennes de papa nouvel an, ou le conteur des familles

· ou également ceux de Victor Fagonde

Il faut mettre à part la série des grosses têtes qui évoluent dans un monde charmant fait de préoccupations enfantines :

· La première querelle pour une toupie

· Péché mignon qui a pour pendant « gros péché »

· Les petits maraudeurs qui profitent de l’assoupissement du garde champêtre

· L’enfant sauvé ou un drame est évité grâce à la présence d’un chien fidèle.

Pour conclure et terminer sur une note originale on mentionnera une planche consacrée à un thème rarement abordé dans l’imagerie, et pour cause. Une élégante parisienne, robe verte à liseré jaune, bottines à pompon parvient à se déplacer sur un tricycle à pédale en tenant d’une main son ombrelle. C’était la première étape de l’émancipation féminine, mais comme l’écrit la Comtesse de Pange dans son livre de souvenirs « Comment j’ai vu 1900 », « cela semblait hardi, et cet instrument paraissait sans avenir ».

Bibliographie

Maurice Noël - L’Imagerie de Pont-à-Mousson dans : Art populaire de la France de l’Est, 1969. Strasbourg. Istra, p.p 385-393, 6 ill.















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